Les nouveaux métiers dans le commerce 4.0

Lancées en décembre 2016, les rencontres mensuelles de la Chaire E. Leclerc et ESCP dédiées à l’avenir du commerce dans la société 4.0 sont un lieu de débat et de réflexion approfondie entre les professionnels et les étudiants sur le commerce et la distribution du futur et sur l’impact des nouvelles technologies sur le secteur. 

Elles sont animées par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen de la Recherche ESCP et Directeur Scientifique de la Chaire en présence de Michel-Edouard Leclerc (Président des Centres E. Leclerc et Président de la Chaire E. Leclerc/ESCP). 

Le Petit-Déjeuner du 9 novembre 2017

Après une riche saison 1, la saison 2 ouvrait le 3 octobre dernier sur le thème : "Comment réinventer la société 4.0 à l’aune du XXIème siècle ?".

Le 9 novembre, la Chaire traitait le thème "Les nouveaux métiers dans le commerce 4.0"et réunissait pour l'occasion Alex Deslée, doctorant à l’université de Lille, Yves Cavarec, Président du club HOW et Thierry Jadot, Président du groupe de communication Dentsu Aegis Network France et maître de conférences à Sciences Po.

La grande question de cette matinée d’échanges fut la suivante : comment les transformations digitales et l’évolution du commerce vont-elles impacter nos métiers et leurs compétences ? 

Michel-Edouard Leclerc introduit cette nouvelle session des petits-déjeuners de la chaire en rappelant cette mutation des métiers que nous vivons toujours davantage au quotidien, qu’ils soient les nôtres, ou ceux des autres. 

"On échange plus, on co-partage" souligne-t-il justement ; "rappelons-nous comment décrypter, discerner, et nous repositionner dans la société " face aux transformations induites par ces nouveaux métiers. 

La résistance face aux nouveaux métiers à l’ère du digital

Alex Deslée présente une communication de ses travaux de recherche sur le développement du digital dans les points de vente et son impact sur le comportement des vendeurs.

 Dans ce contexte de revirement stratégique omni-canal des enseignes, le comportement des vendeurs en magasin change : ils ne sont plus simplement des garants de l’offre-magasin, mais deviennent aussi des acteurs-relais entre les différents canaux de distribution, maîtrisant l’offre physique et l’offre digitale. 
Suite à une observation de plusieurs mois en magasin, à différentes périodes de l’année, Alex Deslée a pu observer un certain nombre de résistances tacites et explicites de la part des acteurs de terrain. De ces observations, Alex Deslée a décelé trois catégories de collaborateurs:

  • ceux dont le degré de familiarité avec les nouvelles technologies a été problématique ;
  • ceux dont le niveau d’intérêt accordé au développement omni-canal du magasin était faible ;
  • ceux dont la motivation à changer de rôle et être plus polyvalent dans leurs tâches quotidiennes était faible. 

 Ces caractéristiques servent de base d’évaluation pour répertorier 4 types de "profils collaborateurs" en magasin, représentatifs des nouveaux paradigmes liés aux transformations digitales des entreprises : Les "désorientés", les "désintéressés", les "débrouillards" et les "référents".

Alex Deslée présente trois dispositifs managériaux pouvant être mis en place par les entreprises pour permettre à leurs salariés de profils "désorientés" et "désintéressés" une meilleure prise de poste et ainsi leur apporter plus de satisfaction dans leur travail. Pour ceux à qui le sens manquent, il s’agit de susciter l’intérêt au travail ; c’est-à-dire réussir à faire entrer l’activité omni-canal dans le quotidien via par exemple une communication récurrente du chiffre d’affaires réalisé par les différents canaux de distribution de l’entreprise, ou prêter attention à ne pas les désintéresser de ces nouvelles pratiques en ce qu’elles représentent une charge de travail supplémentaire trop importante. 
Il s’agirait aussi d’accroître la motivation en continuant de mettre en avant des pratiques habituelles et émotionnellement fortes dans l’organisation, célébrer les victoires, et garder une culture du challenge en interne. 
Enfin, pour les salariés qui émettent une résistance à ces changements due à un manque de compétences, il serait ici préconisé de développer les connaissances de ces collaborateurs via des mécanismes tels que l’instauration d’un système de tutorat inter-collaborateurs, et de formations collaborateurs en pratique, pour susciter un apprentissage basé sur l’expérimentation. 

Les facteurs majeurs qui vont influer demain sur nos métiers 

Yves Cavarec, Président du club HOW, énonce quelques facteurs influant de façon majeure sur les professions du commerce de demain :

  • "Qui seront nos clients" ? Dans un monde subissant de telles mutations, lieu est de s’interroger sur leurs nouveaux profils. Le remaniement des classes sociales, comme nous l’avait précisé l’anthropologue Jean Staune lors du petit déjeuner précédent, conduit à la diminution de la classe moyenne. Alors, comment leurs nouvelles typologies influenceront-elles le commerce et sa structure ? De même, toujours autour de la question du client, ce-dernier une fois clairement identifié par nos organisations, sera-t-il au centre des préoccupations commerciales ? Les entreprises arriveront-elles à s’extraire de ce trop-plein procédurier pour réellement innover et placer les attentes du client au centre de leurs projets de développement ? Selon Yves Cavarec, la société se situe davantage dans une phase de mondialisation importante que d’innovation : "on tend à vendre le même produit à plus de client et non l’inverse" nous dit-il, sans chercher l’innovation et la différenciation. Dans ce schéma, il ajoute "l’humain est instrumentalisé, et substituable à la technologie". 
  • "Qui fera tourner le commerce de demain ?" interroge Yves Cavarec ? Est-ce que ce seront des robots ? Des humains ? Il y a un an, une étude réalisée auprès de dirigeants à travers le monde a révélé que 44% de ces derniers pensaient que les machines remplaceront les Hommes. Yves Cavarec cite l’exemple de Amazon, premier employeur d’Intelligence Artificielle, avec quelques 40 000 robots déployés fin 2016 dans ses entrepôts, soit deux fois plus que Google, et 76 fois plus qu’IBM. 

 "On est au travail comme dans la vie", constate Yves Cavarec.

D’après ce constat, une forme d’entreprise libérée pourrait-elle représenter une organisation du travail différente dans l’avenir ? A l’heure où un grand nombre d’agents économiques investissent dans l’acquisition et le développement des robots, d’autres emplois se créent au sein des organisations avec pour vocation de remettre l’humain au centre, et miser sur le développement personnel au travail. L’exemple de Zappos le montre : plus de "chefs" mais que des managers de projet ; là-bas on travaille pour servir quelqu’un, chacun est force de propositions et monte ses propres projets ; une forme de travail épanouissante, durable, et à l’abri de l’ère robotique ? 

Quelles conséquences sur l’organisation et les RH ? 

En ce sens, Thierry Jadot introduit lui aussi une forme de travail différente par rapport, cette fois, à l’impact des jeunes aujourd’hui en entreprises. Ils vont changer le monde du travail à travers leur modèle et leur rapport à l’entreprise. Mais qu’est-ce qui les motive et qu’il va falloir prendre en compte dans nos entreprises demain ? 

Entendre les "drivers" des Millennials 

C’est aussi par l’expérience vécue, l’envie de vivre dans leurs organisations que les jeunes vont s’y épanouir ; du fait d’une expérience pédagogique et d’un apprentissage professionnel différent : il n’y a plus de différence entre le personnel et le professionnel, "on vient comme on est" disait en effet Yves Cavarec durant son élocution en citant le slogan de McDonald’s. 
On aborde aussi avec les Millennials leur vision divergente et non-linéaire de la carrière, leur méfiance à l’égard des organisations traditionnelles : ils veulent partager le pouvoir, avoir des responsabilités dès leur entrée dans l’entreprise, enfin, être dans un certain contrôle des activités organisationnelles. 

La destruction créatrice de Schumpeter ?

"Oui, l’économie devient  100% numérique" reprend Thierry Jadot. Et cette numérisation va toucher toutes les classes de métiers. 

Des métiers disparaissent et vont continuer de disparaître : les hôtes et hôtesses de caisse, des manutentionnaires, des calls centers seront probablement remplacés par des chatbots ; enfin, des métiers à faible valeur ajoutée, mais aussi à forte valeur ajoutée : les traders par des algorithmes, les chirurgiens par des robots, etc.  Mais le constat ne s’arrête pas là, d’autres métiers se créent et pas seulement dû à l'avènement du digital dans notre société. Une vraie culture du bien-être nait, du confort, et du divertissement ; sur l’indice de relevance des marques relayé par Forbes cette année, 10 entreprises technologiques se classent au plus haut avec celles de l’entertainement car elles s’approprient dorénavant ce caractère si indispensable à nos vies d’aujourd’hui. Ces entreprises, ce sont les plateformes de partage comme Netflix, Spotify, Disney, Nintendo, etc.  "Les métiers vont disparaître, mais pas les emplois" poursuit Thierry Jadot

Et du point de vue des compétences ? 

Le rôle du vendeur a changé et est de plus en plus "challengé", comme nous l’expliquait aussi Alex Deslée dans son étude du changement de métier des vendeurs confrontés au digital. 
De nos jours, le vendeur apporte une valeur ajoutée qu’il n’apportait pas avant, il n’est plus généraliste, il est expert, et c’est aujourd’hui ce que les consommateurs recherchent, une expérience d’achat plus enrichissante. Quid de la formation des services de ressources humaines qui doit aussi se réinventer pour accompagner l’apprentissage de tous ces collaborateurs vers cette nouvelle réalité. 

Enfin, on retient des mots de conclusion deEnfin, on retient des mots de conclusion de Michel-Edouard Leclerc, que même s’il est vrai que le digital risque de supprimer des postes, l’avenir peut être aussi envisagé de façon optimiste, car ces destructions pourront être des reconversions pour les métiers les plus pénibles par exemple, et en ce sens, c’est aussi un "plus". Comme le disaient les orateurs précédents, de nouveaux métiers demain seront créés., que même s’il est vrai que le digital risque de supprimer des postes, l’avenir peut être aussi envisagé de façon optimiste, car ces destructions pourront être des reconversions pour les métiers les plus pénibles par exemple, et en ce sens, c’est aussi un "plus". Comme le disaient les orateurs précédents, de nouveaux métiers demain seront créés.

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