Robots, Internet des objets et intelligence artificielle dans la société 4.0 : quel impact pour le commerce de demain ?

Lancées en décembre 2016, les rencontres mensuelles de la Chaire E. Leclerc et ESCP dédiées à l’avenir du commerce dans la société 4.0 sont un lieu de débat et de réflexion approfondie entre les professionnels et les étudiants sur le commerce et la distribution du futur et sur l’impact des nouvelles technologies sur le secteur. 

Elles sont animées par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen de la Recherche ESCP et Directeur Scientifique de la Chaire en présence de Michel-Edouard Leclerc (Président des Centres E. Leclerc et Président de la Chaire E. Leclerc/ESCP). 

Déroulé du Petit-Déjeuner du 6 décembre 2017

Le petit-déjeuner du 6 décembre avait pour thème : "Robots, Internet des objets et intelligence artificielle dans la société 4.0 : quel impact pour le commerce de demain ?", avec la participation de Sandrine Macé, Professeur à ESCP et directrice scientifique de la Chaire Internet of Things, de Serge Tisseron, psychologue et psychanalyste, auteur du livre « le jour où mon robot m’aimera » et de Thomas Sabatier, co-fondateur de la start-up The Chatbot factory.

Autour de ce troisième petit-déjeuner de la saison 2, les intervenants ont échangé ensemble sur le rôle et l’impact des robots et objets connectés au sein des métiers du commerce, dans leurs interactions avec les consommateurs et leurs parcours d’achat et leurs influences sur les relations humaines.
Deux types d’impacts ont été mis en lumière par nos trois orateurs : un impact pratique de ces nouvelles technologies sur la société et un impact émotionnel.

Un impact "pratique"

De la création de valeur pour le commerce et le consommateur

Sandrine Macé introduit tout d’abord la notion d’objet connecté, qui consiste en un ensemble de capteurs chargé de mesurer et d’enregistrer des données jusqu’à leur transmission à des outils algorithmiques d’intelligence artificielle qui vont ensuite les traiter. Ces informations servent de base à la décision et à la mise en place d’offres commerciales par la remontée de ces données. 

Dans le monde du commerce, ces objets "intelligents par leur connectivité", servent les entreprises à atteindre des buts à plus forte création de valeur tels que :

  • la réduction des coûts de la Supply Chain et l’augmentation de la productivité, avec l’utilisation de robots dans les entrepôts pour un taux d’erreur plus faible ;
  • la réduction des ruptures de stocks par le biais de self scanning technologies, des robots  capables de scanner des rayons, repérer les ruptures physiques et scanner les dates limites de consommation pour une meilleure rotation des produits ;
  • la réduction du coût d’entretien ; 
  • l’optimisation de la livraison par des drones.

Ces solutions peuvent aussi être source de valeur ajoutée pour les consommateurs à condition de respecter deux critères, afin d’être acceptées et adoptées : la facilité d’usage et l’utilité perçue. Tombent dans cette catégorie des solutions diminuant les coûts cognitifs du client, c’est-à-dire qui aident le consommateur à faire un choix (ex : robot Heasy en test chez E. Leclerc, la réalité augmentée dans les points de vente,…), facilitant le quotidien (dashbuttons de Amazon, assistants vocaux,…) et donc finalement, des solutions qui augmentent la satisfaction-client par leur praticité.

L’exemple des interfaces conversationnelles : les chatbots

Thomas Sabatier définit les chatbots comme une intelligence artificielle capable d’imiter le comportement humain en répondant de façon automatique aux questions d’un utilisateur par texte ou par voix.
"Bienvenue dans l’ère de l’assistance", montre une publicité projetée lors du discours de Thomas Sabatier.  

La relation entre le client et l’entreprise a changé : avant, l’utilisateur était autonome et s’inscrivait dans une logique de recherche d’information. Aujourd’hui, le schéma de démarchage de l’utilisateur à la recherche d’information vers les enseignes s’estompe et dorénavant, ce-dernier attend de la marque qu’elle lui donne des informations personnalisées, dans un délai de réponse record. 

Cette nouvelle forme de relation client répond aux enjeux d’immédiateté de la demande et permet à l’entreprise de recueillir des données autour de la connaissance client par l’accès à des informations inédites captées sur Internet. Par exemple, le site e-commerce de H&M permet à ses clients de « discuter » avec un personal shopper (à partir d’un chatbot), qui va pouvoir recommander des tenues selon les divers évènements de la vie de chacun dont il aura pris connaissance via sa connexion aux réseaux sociaux ou recommander des styles en fonction des goûts ou apporter son aide lors d’indécision à l’achat.  

Avec ses algorithmes complexes, les chatbots sont capables d’associer compréhension du langage et automatisation des réponses par pré-programmation (Natural Language Processing). Ainsi, l’intelligence artificielle a les moyens de traduire le langage humain en un code compréhensible par la machine, en extraire l’intention de l’utilisateur et s’y adapter dans les réponses données. 

Un impact "émotionnel"

"Vers l’empathie artificielle : si l’intelligence artificielle nous fait peur, il faut essayer de la rendre sympathique" commente Serge Tisseron en expliquant le sous-titre de son livre. En évoquant les chatbots, Serge Tisseron s’interroge : "ne serait-ce pas nous habituer à ne plus même nous rendre compte si l’on parle avec un être humain ou une machine ?" 

Serge Tisseron alerte son auditoire sur l’illusion que nous donnent les robots lorsqu’on interagit avec eux : s’ils sont dotés de capacité d’apprentissage hors du commun, il s’agit bien d’un comportement imitateur rendu possible grâce aux puissants algorithmes de calculs qui leur sont intégrés. Reprenant l’exemple des voitures connectées, Serge Tisseron revient sur ladite autonomie de ces véhicules : « ils ne sont pas autonomes du tout, ils ne fonctionnent que parce qu’ils sont interconnectés les uns avec les autres, régulés selon le flux de la circulation ».  

Dans le cadre des interactions humaines, Serge Tisseron souligne que la ressemblance physique et de pensée des robots avec l’être humain déclenche un affect, un sentiment de familiarité avec le robot. Des personnes en situation de travail à leurs côtés leur attribuent même des capacités qu’ils n’ont pas, des capacités de les comprendre personnellement. Pour illustrer ce propos, Serge Tisseron explique le cas de recherches qui ont démontré que des clients étaient plus à même d’écouter les conseils d’achats de machines à l’allure humaine que d’autres, phénomène induit par la familiarité ressentie à son côté.

"Je suis étonné de découvrir qu’une machine aussi simple provoque chez les gens normaux de tels délires !" cite Serge Tisseron en reprenant le psychothérapeute Joseph Weizenbaum à l’origine de l’effet "ELIZA" (1960).

Comment les gens développent-ils de telles dissonances ? Ces comportements sont-ils à encourager ? L’intégrité physique et mentale de tous n’est-elle pas menacée ? 

Alors que cette ère des intelligences artificielles se développe et s’immisce dans nos vies et usages, on les intègre volontiers pour leurs vertus facilitatrices et économiques ainsi que dans ce renouveau nécessaire qu’elles apportent dans la relation du client avec l’entreprise. Quant au fait d’accueillir ces robots avec une "amitié raisonnée", peut-être suffit-il de se rappeler avant tout qu’il n’y a pas de liens personnels créés avec le robot quel que soit son aspect, son utilité, et la fréquence.

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