La Chaire Lectra Mode et Technologie offre un beau terrain de jeu aux étudiants

Tous les ans, la Chaire Mode et Technologie lance un appel à projets pour une mission de conseil auprès des étudiants de ESCP et de l’Université Catholique Portugaise. Cette année, Beatriz Duarte, Constance Cordier et Jade de Wasseige ont collaboré pendant 6 semaines avec les équipes opérationnelles de Lectra pour analyser les interactions entre les DNVB (Digitally Native Vertical Brands) et les startups technologiques.

Dans l’industrie de la mode en constante évolution, de nouveaux acteurs sont apparus et ont bouleversé le marché en créant leurs propres règles : les DNVB, soutenues dans leurs missions par les startups technologiques. Ces fers de lance de l’innovation illustrent parfaitement la transformation de l’industrie de la mode, drivée par des tendances sociétales fortes, telles que l’expression de soi, le rejet des excès, la quête de sens, d’authenticité et de transparence. 


Les DNVB : figure de proue de la mode contemporaine

Issues de multiples univers (mode, ingénierie, commerce…), les DNVB sont en phase avec les aspirations des consommateurs en quête d’alternatives à la fast fashion à même d’exprimer leur style et leurs valeurs. En fondant leur stratégie sur une connaissance extrêmement fine de leurs besoins, les DNVB offrent un service très efficace (notamment au niveau logistique), une expérience personnalisée et proposent des produits chargés de sens.

En termes de business models, les concepts innovants se développent et remplacent la production de masse par la fabrication à la demande, la personnalisation des produits, des services ou des expériences, le vintage, le re-sale, la location… Tous ces nouveaux concepts se basent sur des innovations technologiques : IA, 3D (notamment pour la prise de mesures), blockchain, RFID, ainsi que les technologies liées au recyclage et à la conception de nouveaux matériaux.

Dans le même temps, les DNVB construisent et fidélisent leurs communautés via les réseaux sociaux en livrant une narration réfléchie et ciblée. On sort du registre de la transaction unique pour se diriger vers une relation personnalisée et ancrée dans le temps. Les DNVB établissent de nouvelles normes dans le community management et influencent les acteurs de la fast fashion, qui devront adapter leur stratégie à cette nouvelle réalité.

Les DNVB gagnent des parts de marché et profitent des investissements pour passer à la vitesse supérieure. Les 75 principales DNVB ont généré un total de 8 milliards de dollars en 2017, soit une croissance de 44% par rapport à l'année précédente (Lee, 2018). Environ 400 DNVB dans le monde ont collecté plus de 3 milliards de dollars de capital-risque depuis 2012 (Huartado, 2018). En France, Experienced Capital investit de manière intensive, ainsi que Forerunner Ventures aux États-Unis et Italian Angels for Growth en Italie, un signe de l’intérêt réel des investisseurs pour les DNVB.

Pas de DNVB sans innovation : les grands défis à relever

Les interactions entre les DNVB et les nouvelles entreprises technologiques ont lieu à chaque étape de la chaîne de valeur : lors de la conception et de la fabrication, les outils numériques et techniques sont essentiels pour mettre en place un modèle commercial nouveau et viable. Pour la logistique et la distribution, ils sont dédiés à l’optimisation des données, aux services personnalisés et aux réseaux sociaux. Cette collaboration implique deux défis majeurs :

•    Trouver le bon partenaire technologique > les DNVB doivent sourcer l’entreprise qui répond à leurs besoins en termes de modèle d’entreprise et fournit les logiciels, le matériel et les compétences adéquats. Cette transition technologique est souvent fastidieuse et parfois peu rentable. 

•    Gérer les datas > si la quantité de données disponibles pour les DNVB est illimitée, le but pour les marques est de saisir les données pertinentes pour offrir une expérience personnalisée optimisée. Les problèmes liés aux politiques de partage des données doivent être résolus, notamment en ce qui concerne les disparités juridiques à travers le monde.

Les DNVB sont nées, s’expriment et agissent principalement sur internet. Elles possèdent un modèle sans intermédiaire, direct to supplier et direct to consumer, dans le but de réduire les stocks, d’obtenir le meilleur Product Market Fit et de diminuer fortement le budget marketing. Ce business model engendre plusieurs challenges tels : 

•    Maitriser la croissance > les DNVB cherchent toujours à centraliser leurs processus de production, en s’appuyant sur des fournisseurs locaux ou des entreprises familiales. Ils peuvent ainsi réduire les intermédiaires et mieux contrôler la chaîne d'approvisionnement, tout en tenant leur promesse de construire localement et de vendre à l'échelle mondiale. Cette stratégie peut cependant limiter leur production à moyen terme et bien que le choix de faire des petites séries soit délibéré, le risque de freiner leur croissance est présent, entrainant des répercussions à la fois sur la satisfaction des demandes des consommateurs et l’intérêt des investisseurs. 

•    Optimiser les canaux de vente > les DNVB doivent adopter une stratégie retail particulière pour maintenir la cohérence et l’identité entre l’offre « on » et « off ». Pour inscrire le retail physique dans la continuité du digital, les DNVB misent souvent sur des points de vente ludiques où l’accent est mis sur le relationnel, la priorité étant également de garantir une expérience client privilégiée.


Comme l’explique Viviane Lipskier, auteure de l'ouvrage D.N.V.B. : Les surdouées du commerce digital, DNVB rime avec excellence du produit, du service et de l’expérience. Les DNVB sont des cultures de marque qui réussissent à créer des communautés et à convaincre sur des arguments de sens. Et d’ajouter : « Nous sommes à la fin d’un cycle économique de surproduction, surconsommation, surdistribution et arrivons à un système plus rationnel qui renoue avec l’essence même du commerce : l’économie direct to consumer, dont les DNVB sont un épiphénomène ».


L'influence des laboratoires interdisciplinaires: une spécificité américaine

Grâce aux laboratoires interdisciplinaires comme le MIT Media Lab ou le Harvard Innovation Lab, les États-Unis se positionnent comme une source d'innovation prolifique en rassemblant des talents de tous les secteurs. Alors que les marques, les universitaires, les étudiants et les experts techniques travaillent ensemble pour élaborer les produits de demain, des inventions telles que Rapid Liquid Printing (une technologie d'impression 3D révolutionnaire inventée par le MIT Self-Assembly Lab), permettent aux États-Unis de prendre une longueur d'avance sur le marché : un avantage concurrentiel indéniable !


Les GAFA: toujours présents

Parmi les quatre GAFA, Google et Amazon sont ceux qui investissent le plus pour devenir des leaders dans le secteur des technologies de la mode, avec une focalisation indéniable sur l'intelligence artificielle et les solutions basées sur les données. Google a récemment collaboré avec le spécialiste du denim Levi’s pour créer le projet Jacquard: un nouveau système de tissage transformant les vêtements en surfaces interactives. Amazon a développé ses propres marques de mode, qui représentent 87,8% du nombre total de marques de distributeur créées par la société en 2018 (Mercer, 2018). Amazon Essentials et Lark & Ro en font partie, rivalisant avec les grands joueurs tels que Zara. Le géant du e-commerce investit également dans des technologies complémentaires à l'expérience d'achat, telles que l'outil de recherche visuelle StyleSnap, qui permet à ses utilisateurs de télécharger une photo, puis de recevoir des offres avec des tenues similaires à acheter sur Amazon.


Ces nouvelles manières de penser, produire et consommer la mode sont accompagnées par la révolution technologique qui s’exprime par la maturité de certaines technologies, l’émergence des autres et finalement leur convergence afin de renforcer davantage leur impact.


 

Campus