Retour sur le 27ème Petit-Déjeuner du Commerce 4.0

Le petit-déjeuner du 3 mars 2020 de la Chaire E. Leclerc/BearingPoing/ESCP Business School "Prospective du commerce dans la société 4.0" a eu pour thème : "Leçons de l´étude de l’ObSoCo sur les perspectives utopiques des Français pour le commerce et la distribution", avec la participation du Professeur Philippe Moati, Professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot et co-président de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo), et de Monsieur Arnaud Jacques, Alumni ESCP et Directeur Affaires Publiques et Responsabilité d'Entreprise du Bon Coin.

 Les débats ont été animés par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen à la recherche à ESCP Business School et directeur scientifique de la Chaire et par la co-Présidente de la Chaire Elisabeth Denner, Associée chez BearingPoint.

Les intervenants ont traité la thématique des utopies, les grandes représentations qu’ont les français de l’avenir, et leurs conséquences sur la consommation et le commerce. L’étude présentée par le Professeur Moati précise les modes de vie et les façons de vivre en collectivité. Ces résultats incitent à revoir les stratégies de segmentation auparavant basées sur les critères socio-démographiques, ainsi que le positionnement de la valeur symbolique associée aux biens et services proposés aux consommateurs/citoyens. Arnaud Jacques a ensuite présenté les évolutions du Bon Coin, un acteur du commerce collaboratif, dans une perspective locale, sociale mais aussi sociétale. Enfin, Elisabeth Denner a fait une synthèse de la séance. Vous trouverez ci-dessous un compte rendu des présentations et échanges de ce 27ème petit déjeuner. 

L’Observatoire des Perspectives utopiques : une étude de la société française, par le Professeur Moati

L’ObSoCo a développé une enquête en ligne menée du 23 avril au 7 mai 2019, auprès d’un échantillon de 2000 personnes représentatif de la population française métropolitaine âgée de 18 à 70 ans. L’objet de cette enquête était de mettre au jour l’existence ou non d’une utopie fédératrice en France, à l’heure du pessimisme ambiant et de la crise de la modernité. 

Malgré une utopie écologique dominante, il est difficile de dégager un système utopique fédérateur de la population. 

Trois systèmes utopiques ont été présentés aux répondants :

Utopies des Français ObSoCo

L'utopie écologique est l’utopie préférée des Français (54,6%), suivie par l’utopie sécuritaire (29,5%) et l’utopie techno/libérale (15,9%). Cependant, l’étude note une forte porosité des répondants entre les 3 utopies, notamment entre les partisans des utopies écologies et sécuritaires.

Ces préférences sur les utopies restent similaires selon les âges, avec seulement quelques variations minimes. Considérant les répondants avec un haut niveau d’éducation semblent tendre davantage vers l'utopie écologique que vers les utopies sécuritaire et techno/libérale.

Par ailleurs, il ressort que les personnes interrogées partagent un certain pessimisme quant à l'avenir, parfois accompagné de méfiance. Ce degré plus ou moins grand de confiance dans le futur semble corrélé à l'orientation politique, les plus sereins étant plutôt centristes. 

Au vu du manque de partisans tranchés et de la porosité des réponses, l’étude a identifié 5 typologies de répondants en fonction de leur niveau d’adhésion aux différentes utopies proposées.

Cinq groupes répartis selon les styles de pensée et selon leur attitude ont été identifiés : les modernes, les modérés verts, les identitaires sécuritaires, les décroissants et les libéraux conservateurs.

Utopies des Français ObSoCo

Les Modernes (31% de l'échantillon).

  • Le groupe le plus favorable à l’utopie techno-libérale (et notamment aux dimensions « homme augmenté ») avec, pour autant, un enthousiasme modéré.
  • Une certaine adhésion à quelques dimensions de l’utopie écologique (mais réserves concernant celles relatives à la consommation).
  • Une relative indifférence à l’égard de l’utopie sécuritaire.
  • Profil : un peu plus jeunes que la moyenne, plutôt CSP –, faible niveau de formation, faible niveau de vie… Orientation matérialiste. 30 % de "gilets jaunes" (et représentant 48% des "gilets jaunes" actifs). Confiants dans la science et la technologie.

Utopies des Français ObSoCo

Les Modérés Verts (29% de l’échantillon).

  • Préférences peu affirmées.
  • Adhésion à l’utopie écologique.
  • Une certaine attraction pour l’utopie techno-libérale.
  • Réserves à l’égard de l’utopie sécuritaire, notamment dans ses dimensions xénophobes. 
  • Profil : plutôt jeunes, agglomération parisienne, diplômés. Relativement optimistes.

Utopies des Français ObSoCo

Les Identitaires Sécuritaires (17% de l’échantillon).

  • Forte adhésion à l’utopie sécuritaire.
  • Plutôt favorables à l’utopie écologique, en particulier pour ce qui est relatif au local, à la proximité. Plus réservés quant aux dimensions imposant des restrictions à la consommation et aux modes de vie.
  • Peu séduits par l’utopie techno-libérale, notamment ses dimensions relatives à l’augmentation de l’humain.
  • Profil : le groupe le plus âgé. Poids décroissant avec la densité de la commune de résidence. Système de valeurs orienté vers la morale et la tradition. Pessimistes.

Utopies des Français ObSoCo

Les Libéraux Conservateurs (14% de l’échantillon).

  • Le groupe le plus séduit par l’utopie sécuritaire, en particulier dans les dimensions relatives à l’identité nationale.
  • Une certaine adhésion aux dimensions économiques de l’utopie techno/libérale, mais un rejet de celles renvoyant à l’augmentation de l’humain.
  • Peu d’attirance pour l’utopie écologique.
  • Profil : caractères sociodémographiques proches de ceux de l’ensemble de la population. Pessimistes.

Utopies des Français ObSoCo

Les Décroissants (9% de l’échantillon).

  • Très forte adhésion à l’utopie écologique.
  • Net rejet de l’utopie techno-libérale, exceptée dans la dimension des droits individuels.
  • Adhésion à certaines propositions de l’utopie sécuritaire, mais net rejet des dimensions xénophobes.
  • Profil : diplômés, classe créative, faible niveau de contrainte budgétaire, valeurs orientées lien à la nature. Forte ouverture à l’altérité.

Si la population française ne semble pas s’unir derrière un système utopique cohérent et une vision d’avenir partagée, certaines pistes et tendances largement partagées se dégagent.

L’étude ne permet pas de dégager un système utopique cohérent fédérateur mais elle objective cependant des dimensions (relativement) consensuelles et des aspirations communes parmi l'échantillon :

  • Les enjeux environnementaux.
  • L’attraction pour le "local", la "proximité" (économie, politique, modes de vie).
  • Le goût de l’égalité. 
  • La reconnaissance de la liberté et des droits individuels.
  • Une attente de sécurité.
  • Une demande d’intégration de la part des populations d’origine étrangère.
  • Le rejet de l’homme augmenté.
  • Un désir de renouveau en matière d’organisation de la vie économique et du système politique.

L’étude a dégagé des tendances pertinentes sur des sujets sensibles de la société, tels que l’exigence de reconnaissance des droits individuels, le rapport au cosmopolitisme et à l'altérité, la question des migrants et des réfugiés. D'autres sujets critiques sont également mis en avant tels que l'économie et la politique, l’égalité (34% des répondants pensent que le système actuel en manque), la fixation d’une limite maximum aux très hauts salaires (75% des répondants), l’augmentation sensible des minima sociaux, les revenus de solidarité (52% des répondants) et la mise en place du revenu universel (48,1% des répondants).

Vers un nouveau rapport à la consommation ?

Les personnes interrogées, surtout celles enclines à l’utopie écologique, ont affirmé leur intention de consommer moins et leur préférence pour la qualité plutôt que la quantité. Ils s’engagent dans les activités domestiques (faire soi-même : cuisine, bricolage, jardinage, réparation) et souhaitent consommer sur la base du partage d'équipements.

Cependant, certaines ambiguïtés émergent. Par exemple, les répondants ont indiqué qu'ils pensaient que notre mode de consommation affectait l'environnement (86% d'accord), mais en même temps 57% voient dans la consommation une compensation et un moyen de se faire plaisir.

Les répondants ont également indiqué leurs postes de dépenses supplémentaires s’ils disposaient de revenus supérieurs. Ils ont indiqué principalement "L’épargne, le remboursement des crédits ou des dettes (57%)", "Les vacances, les voyages (51%)", "Les travaux dans le logement, intérieurs ou extérieurs (35%)".  De plus, ils ont indiqué qu'ils préféreraient faire leurs achats sur les marchés locaux que dans les grands centres commerciaux, et qu'ils souhaiteraient vivre dans de petites villes, plus connectées à la nature, davantage que dans de très grandes villes futuristes. 

Pour illustrer ce nouveau désir de consommer « moins mais mieux », Arnaud Jacques, directeur Affaires Publiques et Responsabilité d'Entreprise du Bon Coin, a ensuite présenté le business model et le succès de son l’entreprise qui promeut l’économie de partage.

Le Bon Coin : le succès de l’économie de partage et l’illustration d’une volonté de consommer mieux

Arnaud Jacques a commencé sa présentation en sondant l’audience pour connaître son degré d’usage du Bon Coin au cours des derniers mois : Le Bon Coin est bien ancré dans la culture française. En effet, avec 21 millions de visiteurs mensuels (1 français sur 2 se connecte au site au moins 1 fois par mois), Le Bon Coin est un vrai succès.

Le Bon Coin est un site internet permettant aux particuliers de publier des annonces pour vendre leurs biens et aux utilisateurs de les acheter. Il existe différentes catégories de produits disponibles : la voiture, la location de logement, les biens de consommation. Le Bon Coin est utile dans les aspects les plus importants de notre vie : se déplacer, habiter et consommer des produits.

Le Bon Coin se considère comme un observateur des modes de consommation de la société française et des modes de vie des Français. Par rapport à d’autres plateformes collaboratives, Le Bon Coin met en contact des individus très différents, issus de toutes les franges de la société. Certaines études relatent le fait que des personnes qui ne savent pas comment envoyer un email, savent utiliser Le Bon Coin. L'entreprise est considérée comme la 4ème entreprise la plus utile aux Français après la SNCF, La Poste et EDF.

L’impact du Bon Coin sur la vie des français est multiple :

  • Chaque année, plus de 8 millions de Français y trouvent leur emploi.

  • Chaque utilisateur augmente d’environ 100 euros son pouvoir d’achat.

  • L’utilisation du site permet d’économiser 8 millions de tonnes d’émission CO2 par an.

  • La plateforme donne une seconde vie aux produits plutôt que d’acheter du neuf.

Une entreprise axée sur le développement durable

Le Bon Coin souhaite contribuer à construire une société moins polluante, à augmenter le pouvoir d’achat des Français, et surtout à développer une économie locale. L'entreprise veut relever des défis sociétaux : trouver des moyens de mieux vivre et mieux vivre ensemble.
Pour Jacques Arnaud, cela passe par le numérique avec la plateforme du Bon Coin et ce n’est pas pour autant antinomique car il s’agit toujours de créer un nouveau mode de consommation plus responsable et respectueux de la planète.

Pour conclure ce 27e petit déjeuner, Elisabeth Denner, Associée BearingPoint, a souligné l’importance grandissante du marché de l’occasion, reprenant une estimation révélatrice faite par le bon coin : le marché de la seconde main devrait dépasser celui du neuf d’ici 2028. Il est absolument nécessaire pour tous les acteurs du Retail de prendre en compte cette nouvelle tendance et de s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs français.

Pour en savoir plus sur la Chaire Prospective du Commerce dans la société 4.0

 

 

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