Nouvelles mobilités et commerce de transit

Retour sur le 25e Petit-Déjeuner du Commerce 4.0 de la Chaire E.Leclerc BearingPoint.

Le petit-déjeuner du 4 décembre 2019 de la Chaire E. Leclerc/BearingPoint/ESCP Prospective du commerce dans la société 4.0 a eu pour thème : "Nouvelles mobilités et commerce de transit", avec la participation du Docteur Laetitia Dablanc, chercheuse associée au Laboratoire Ville Mobilité Transport et Directrice de recherche à l’Institut français des sciences et technologies des transports de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), de Stanislas Cebron de Lisle, Directeur des projets urbains de Retail & Connexions et d’Emmanuel Castello, Fondateur de la start-up YouCatch. 

Les débats ont été animés par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen à la recherche à l’ESCP Europe et directeur scientifique de la Chaire et Elisabeth Denner, associée chez BearingPoint. 

Les intervenants ont traité la thématique des nouvelles mobilités et du commerce de transit et plus précisément le développement de magasins et de chaînes de distribution, de proximité, ainsi que le développement des dispositifs phygitaux. Une théorisation générale de la thématique est d’abord proposée par le Docteur Laetitia Dablanc, ensuite une présentation des stratégies de développement de magasins dans les gares est exposée par Stanislas Cebron de Lisle, enfin une illustration de la thématique est apportée par Emmanuel Castello à travers son témoignage sur le cas de la start-up YouCatch.

Mobilité des marchandises et logistique en ville : des caractéristiques mondialisées  

Les livraisons instantanées : un segment particulier

La logistique en ville est un secteur économique qui s’homogénéise dans l’ensemble des grandes villes mondiales et métropoles y compris dans les pays émergents. Des acteurs comme DHL ou Amazon sont présents dans l’ensemble des grandes villes à l’échelle mondiale. 
La livraison instantanée, qui constitue un segment de cette logistique urbaine, est également marquée par ce phénomène d’homogénéisation. La livraison instantanée se définit comme "un service de livraison à la demande en deux heures ou moins, par le biais d’une plateforme numérique connectant les expéditeurs, les destinataires et les livreurs "(Dablanc et al., 2017).
La demande pour ce segment de livraison est en augmentation. En effet, on observe que 32% des habitants de Manhattan utilisent une "food app" au moins une fois par semaine (6T, 2018), 10% des Chinois urbains utilisent une application de livraison à la demande "presque chaque jour" (FT Research, 2018) et 8% à 10% des livraisons urbaines à Paris sont des livraisons instantanées (IFSTTAR, 2017).

L’offre de livraison instantanée : un nouveau métier qui s’homogénéise

L’ensemble des entreprises de livraison instantanée, que ce soit au niveau mondial avec Amazon Prime Now ou UberEATS, en Europe avec Delivery Hero et Deliveroo ou en Chine avec Meituan-Dianping et Ele.me, ne réalisent pour l'instant aucun bénéfice et se basent donc sur une stratégie de levées de fonds et de partenariats (McDonald’s et UberEATS).
Une enquête menée par l'équipe du Dr. Dablanc, entre 2016 et 2018, dans l’Est parisien, a permis de montrer que les coursiers parisiens accumulent plusieurs heures de travail par jour y compris pour les travailleurs à temps partiel. Les coursiers parisiens parcourent également de très longues distances allant de 100 à 200 km par jour.
Il existe trois catégories de livreurs :

  • les étudiants, qui travaillent majoritairement à temps partiel et qui sont très actifs dans les collectifs de coursiers,
  • les actifs à temps partiel, dont le nombre a diminué en 2018,
  • les livreurs à plein temps, qui ne disposent généralement pas de diplôme et pour qui cette activité constitue souvent un premier emploi officiel. Il représentaient en 2018 la moitié des effectifs.

Le Dr. Dablanc souligne les conditions de travail de ces livreurs ainsi que les problématiques liées aux contentieux juridiques de requalification en salariat. Au niveau mondial ce contentieux juridique a évolué fortement en 2019 en faveur des coursiers qui sont considérés de plus en plus comme des salariés par les instances juridiques.
Cependant, des pratiques illégales se développent, notamment dans la région parisienne qui a vu se développer un nouveau phénomène de sous-traitance illégale qui fait appel à des individus sans papiers. 

L’offre de livraison instantanée : un nouvel immobilier logistique urbain

Pour développer l'ensemble de ces commandes instantanées que les consommateurs souhaitent voir se développer, des entrepôts nouveaux commencent à apparaître au cœur des villes. Ces entrepôts urbains accueillent essentiellement des particuliers (étudiants, actifs) qui réalisent des tournées de distribution et assurent une livraison rapide des colis. À Los Angeles, Amazon a mis en place le service "AmazonFlex" qui permet à des particuliers d'être payés à l'heure de livraison pour permettre une livraison de colis en quelques heures.
La demande croissante d’une livraison instantanée a également entrainé la mise en place des cuisines urbaines (Deliveroo Editions, Keatz, CloudKitchens) qui permettent la préparation plus rapide de repas, des délais d’attente moins longs et une livraison plus rapide. L’apparition de robots livreurs terrestres est également un phénomène qui se développe pour réponde à cette nouvelle demande de livraison instantanée.
Pour conclure le Dr. Dablanc explique que l’offre de services de livraison instantanée est abondante mais instable. En effet, l’accès aux investisseurs est difficile pour les entreprises de livraison, d’où la nécessité pour ces entreprises d’adapter leurs modèles économiques (optimisations, fusions). Les conditions de travail des livreurs sont certes difficiles, mais offrent néanmoins une opportunité pour des emplois non qualifiés en ville. 
Pour faire face à ces défis, les autorités locales doivent mieux connaître l’ensemble de ces activités ainsi que les flux et leurs impacts afin de répondre de manière plus efficace aux problématiques sociales, réglementaires et environnementales de cette nouvelle mobilité.

La mobilité des personnes et son impact sur le "Travel retail"

En France, on compte plus de 3000 gares accueillant plus de 10 millions de visiteurs par jour. Chaque année, 7 français sur 10 se rendent dans des gares. Les flux observés dans les gares sont équivalents aux flux observés dans les aéroports ou dans les centres commerciaux. Grâce à ces flux considérables en gares, le taux de croissance du chiffre d’affaires annuel du commerce en gares à surface considérable a connu une forte croissance par an au cours des dernières années alors que le commerce dans les centres commerciaux stagne et le commerce en centre-ville affiche des taux de croissance négatifs.

Le « Travel retail »: Une diversité de commerces et de services

Les gares représentent un tiers du marché du "Travel Retail", estimé à 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il est important de noter que 75% de l’offre en gare est une offre de restauration, de "convenient store" et de location de voitures et seulement 13% de l’offre est une offre de boutiques.
Stanislas Cebron de Lisle souligne l’importance de la segmentation des usages des clients afin de proposer une offre adaptée en gare. Parmi les segments de fréquentation identifiés on compte :

  • la "routine quotidienne" marquée par l’empressement et l’opportunisme du client
  • la "routine du matin" marquée par des achats rapides et un rapport au temps calculé ainsi que peu de place pour l’imprévu
  • la "check-list du pro" qui concerne les voyages d’affaires.

Un des enjeux du "Travel Retail" est de proposer une offre évolutive au cours de la journée afin de s’adapter à tous les rythmes (formules du petit déjeuner, formules du midi, formules after-work). Il est donc important de clarifier au maximum le parcours client, anticiper les commandes dans les moments de rush, développer le "Grab & go" et les bornes de commande et proposer un packaging facilement transportable.

La gare dans la ville : un « city booster »

La gare peut jouer un rôle important dans les stratégies de redynamisation des cœurs de villes. Elle représente la porte d’entrée d’un territoire et constitue un outil essentiel d’aménagement du territoire.
La gare représente aujourd’hui un pôle d’échanges multimodal à travers la réorganisation des échanges multimodaux (liaison avec les transports en communs), l’aménagement des parvis ou encore la rationalisation du stationnement.
Pour conclure, Stanislas Cebron de Lisle souligne l’importance de travailler les coutures urbaines en réintégrant la gare à la ville. Pour cela, le projet 1001 gares est un projet mis en place par la SNCF qui vise à réinvestir les petites et moyennes gares. Cet appel à projet vise à valoriser des surfaces vacantes à faible "potentiel" pour y implanter des activités économiques, sportives, culturelles et associatives favorisant la revitalisation des territoires.

Le cas de Youcatch

Youcatch est une start-up qui utilise le jeu et la "gamification" pour inciter les individus à consommer dans les commerces. Il s’agit de créer des points virtuels sur le modèle de l’application "PokemonGo" pour amener les individus sur un point de vente.
Le jeu assure une proximité avec les consommateurs et facilite l’interaction avec eux. Il permet une connexion émotionnelle avec les participants et des taux d’engagement importants.
La solution YouCatch est utilisée par des entreprises dans des domaines différents:

  • les enseignes de grande distribution (Intermarché) pour attirer d’avantage de clients
  • les groupes de transport (VinciAutoroute) pour animer les autoroutes
  • les offices de tourisme pour inciter les touristes à consommer en centre-ville
  • les collectivités et associations de commerçants pour attirer les consommateurs en centre-ville et contribuer à la revitalisation du commerce de centre-ville. 
     

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