Focus sur le travail de recherche d’Hélène Lorfeuvre, récompensé du Prix du meilleur mémoire de la Chaire Internet of Things (IoT) et dans lequel elle a identifié les principaux freins à l’achat de la maison connectée en France et proposé une modélisation de Bass pour comprendre comment et par quels canaux se diffuse l’innovation.

StatsÉtudiante du MiM (Master in Management) de ESCP dont le Directeur de Recherche était Sandrine Macé, directrice scientifique de la Chaire Internet of Things (IoT), Hélène Lorfeuvre s’est intéressée aux freins à l’achat de la maison connectée en France. Car si le marché du « Smart Home » est estimé à six milliards d’euros dans l’Hexagone avec une croissance annuelle de 33% en valeur depuis 2017, elle a constaté qu’il peinait à trouver son public par rapport à ses voisins européens ou américains. Elle s’est donc attachée à expliquer le relatif retard français en ce qui concerne l’adoption de l’innovation maison connectée.

A partir d’une analyse de la littérature, d’entretiens réalisés auprès d’experts et d’une enquête par questionnaire sur deux échantillons, l’un français, l’autre allemand, il apparait que les principaux freins sont : la mauvaise compréhension de l’utilité du produit et de sa facilité d’utilisation, relativement au coût élevé de l’innovation ; la peur de l’incompatibilité avec le quotidien et les autres objets connectés ; la question de la fiabilité. Cependant, même si les consommateurs allemands apparaissent plus « technophiles » que les consommateurs français il n’y a pas de différences significatives en ce qui concerne les facteurs de décision internes dans chaque pays. L’explication du retard français sur l’adoption de la maison connectée est donc à chercher dans le processus de diffusion de l’innovation, au niveau macro et non pas individuel.

Freins

Hélène Lorfeuvre a donc ensuite testé l’impact de la communication sur la diffusion de l’innovation. Pour cela, elle a créé une modélisation de Bass en distinguant l’impact provenant de la communication des marques et la communication interpersonnelle (i.e. bouche-à-oreille), puis testé ce modèle à partir de données réelles.
Hélène LorfeuvreLa modélisation - dont un des principes consiste à classer les individus selon qu’ils sont innovateurs ou imitateurs - montre une forte propension à l’imitation en France, et un impact important du bouche-à-oreille par rapport à l’impact du marketing sur les consommateurs potentiels. En France, le faible pourcentage d’innovateurs s’expliquerait par une valeur ajoutée moindre perçue par l'utilisateur, due à une communication des marques mal ciblée, simplificatrice et n’adressant pas les principaux besoins du consommateur. Les avantages relatifs des objets de maison connectée sont donc mal ou faiblement perçus. De plus, la complexité et la faible interopérabilité des objets actuellement en vente ne favorisent pas une adoption rapide de ces innovations. Le fort pourcentage « d’imitateurs » adoptant l’innovation peut s’expliquer par une tradition française d’aimer recevoir chez soi, ce qui favorise le bouche-à-oreille, ainsi que par la présence de nombreux lieux de discussion physiques et virtuels autour de la maison connectée. La possibilité d’essayer et de toucher une innovation avant de l’acheter est essentielle pour les consommateurs français, cela explique que le coefficient d’imitation calculé grâce au modèle de Bass y est élevé.
Si aujourd’hui, le marché de la maison connecté ne décolle pas en France, c’est donc parce que les marques ciblent davantage les innovateurs, alors que ces derniers sont moins nombreux. En adaptant une communication destinée aux innovateurs et en offrant aux imitateurs la possibilité d’essayer, de discuter et d’échanger, les vendeurs et distributeurs d’objets de maison connectée auraient donc l’opportunité de tourner la spécificité du marché français de la maison connectée à leur avantage.

Prévisions

Le mémoire d’Hélène Lorfeuvre propose donc de nouvelles pistes d’explication du retard de la maison connectée en France : une forte propension au bouche-oreille et un faible impact du marketing. Ces enseignements peuvent servir de base à des stratégies de communication innovantes capables de cibler les nombreux imitateurs plutôt que les innovateurs. Elle a même établi des prévisions d’achats à 10 ans qui montrent une rapide évolution du nombre d’adoptions, permettant à la maison connectée d’atteindre le marché potentiel d’ici 2035…

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